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Cher Monsieur,
Bien que très attachés à la défense des villages, des paysages et des terroirs, la Fédération FNE est conduite, en l'état présent de l'aménagement du territoire, à opérer des choix. Des choix qui sont parfois difficiles.
En l'occurrence, celui de l'énergie. FNE, après un examen approfondi des problèmes que pose le développement de cette énergie, a choisi de refuser fermement la fuite en avant dans le nucléaire qui a caractérisé tous nos gouvernements depuis trente ans. Il ne m'est pas possible de vous développer ici notre argumentaire, mais vous pouvez le consulter sur le site Internet de la Fédération, au volet « énergie » (document : « Alternatives énergétiques : un débat ouvert s'impose » ). A partir du moment où nous combattons cette orientation imposée par l'Etat, il ne reste plus comme alternatives que la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables – dont l'éolien.
Malheureusement, alors même que le volet « Maîtrise de l'énergie » permettrait de répondre à une grande partie des problèmes d'alimentation énergétique du pays, le gouvernement présent n'a de cesse d'en repousser l'application forte qui est jugée pourtant indispensable par la plupart des experts. Dans le même temps, conscient que la France est dans le peloton de queue des pays développant les énergies renouvelables, ce même gouvernement s'est résigné à un développement tardif et modeste de ces dernières.
L'éolien en fait partie. Cependant, depuis un à deux ans environ que cette forme d'énergie se développe plus vigoureusement, on a vu fleurir un peu partout comités et associations qui affirment avec force leur soutien à cette énergie …mais à condition que ce soit chez le voisin – le plus loin possible. C'est ce que nous, associations de protection de l'environnement, appelons le syndrome « Nimby » (« oui, ...mais pas chez moi ») . Rien n'a depuis lors été épargné aux éoliennes, sous la pression de groupes qui n'ont souvent que de lointains rapports avec l'intérêt général mais qui, par contre, sont fréquemment animés par des personnes fortement liées aux intérêts d'Edf et de l'industrie nucléaire…
Les mêmes eussent été plus crédibles, s'ils s'étaient pareillement mobilisés lorsque la France, dans les années 70-80, s'est couverte d'une impressionnante toile d'araignée de pylones et de lignes à Très Haute Tension (THT), à peu près du même format que les éoliennes qui soulèvent votre émotion, et affectant au moins autant nos précieux paysages. Or fort curieusement, on ne les a alors jamais entendues. Tout a donc été dit par contre sur les éoliennes, et même l'absurde. Je vous engage sur ce sujet à lire le petit opuscule récemment édité par l'ADEME et l'Observatoire des Energies Renouvelables, et intitulé " Les bruits de l'éolien : rumeurs, cancans, mensonges et petites histoires" (16 euros), et qui fait justice de la plupart de ces critiques. Il est tout de même assez curieux de voir la brusque préoccupation qui se fait jour parce que le socle d'une éolienne fait quelques centaines de tonnes de béton, alors que personne ne trouve inquiétant d'en voir couler des centaines de milliers de tonnes pour implanter centrales nucléaires, usines, …ou autoroutes. A ceci près que lorsque le temps sera venu de supprimer des éoliennes, ces cubes seront de bien plus modestes (et invisibles) témoins de leur passage que les vieux blockhaus de la dernière guerre et que, à la différence de nos centrales, ils ne laisseront derrière eux ni friches industrielles, ni radioactivité…
Enfin et surtout, s'il est une forme d'installation industrielle qui est soumise à un invraisemblable arsenal de mesure dissuasives, c'est bien l'éolien ! On ne compte plus les mesures restrictives à leur développement, jusqu'à celles récemment adoptées ce jour même par le Parlement - une fois encore sous la pression des groupes précités.
Pour toutes ces raisons, notre Fédération ne souhaite pas s'associer systématiquement à des oppositions à l'installation d'éoliennes. Elle considère que toutes les mesures réglementaires et même législatives évoquées ci-dessus sont plus que suffisantes pour éviter des erreurs d'appréciation toujours possibles. Elle s'en remet aussi à ses associations sur place, plus à même d'en évaluer le bien fondé, ainsi qu'aux services décentralisés de l'Etat chargés de ce dossier (Direction Régionale de l'Environnement, ou DIREN), pour donner un avis aux Préfets, qui en sont désormais les arbitres.
Croyez bien que pour autant, nous ne mésestimons nullement la valeur des paysages et des héritages de la France profonde. Simplement, au moment crucial où nos sociétés en sont rendues sur ce chapitre, nous sommes amenés à appliquer le vieux principe que vous connaissez bien : entre deux maux, choisir le moindre. Comparé à d'autres difficultés très graves imposées à notre environnement par une société incapable de maîtriser son fonctionnement, les éoliennes nous semblent, en effet, un moindre mal.
Je vous prie d'agréer, Cher Monsieur, nos salutations distinguées.
Pierre DELACROIX, Réseau Energie-Climat de FNE Président d'Honneur de FNE
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